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La religion en Constitutions

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André Chénier - French Constitution by Kecko

Les constitutions sont des textes juridiques qui précisent l’organisation et les rapports entre les pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) d’un État. Très souvent on trouve également dans les constitutions l’affirmation (juridique donc) de principes généraux, de libertés publiques, etc. Ces principes sont ainsi constitutionnalisés, c’est-à-dire qu’ils se trouvent consacrés, donc reconnus juridiquement par leur inscription dans la Constitution. Car, par le principe de constitutionnalité et celui de la hiérarchie des normes, héritage juridique du début du XXe siècle (et de mes cours de droit !), la Constitution est la règle juridique la plus importante au sein de l’État. Aucune règle de droit ne doit venir la contredire, elle est norme suprême, d’où l’importance de leur rédaction et de l’attention à porter aux mots…

Suite aux “révolutions arabes” (ou ce que, faute de consensus, nous appellerons ici révolutions) des constitutions viennent d’être modifiées ou sont en cours d’élaboration dans différents pays du Maghreb et du Moyen-Orient. La Constitution du Maroc vient d’être modifiée sur propositions du Roi (adoptée lors d’un référendum en juillet 2011) et en Égypte, le Parlement nouvellement élu doit mettre en place une commission chargée de rédiger une nouvelle constitution. La place des religions (et bien souvent de l’islam) est un indicateur intéressant des tendances politiques et les mobilisations à propos des discussions en cours sont des controverses extrêmement heuristiques pour appréhender les tensions qui traversent le champ politique et la société. Par exemple, en Égypte, l’article 2 de la Constitution provisoire stipule que “Islam is the religion of the state and the Arabic language is its official language. Principles of Islamic law (Shari’a) are the principal source of legislation1 “. La formule “la Shari’a est la principale source de législation” date de Anouar al-Sadate. Elle pose d’abord le problème des sources juridiques de l’État : peut-il y avoir une loi contraire à la Shari’a ? Mais elle pose également le problème du statut juridique des minorités religieuses en Égypte : sont-elles concernées par la Shari’a ? Et quelles sont alors les sources juridiques qui encadrent ces populations ? Bref, la commission de spécialistes qui sera chargée de rédiger une nouvelle Constitution aura beaucoup de travail pour signifier l’importance historique et culturelle de l’islam tout en garantissant des droits constitutionnels aux minorités religieuses présentes en Égypte.

Mais c’est en Tunisie que l’actualité est la plus intéressante. En effet, après de longues discussions sur son règlement intérieur, l’Assemblée constituante a réellement commencé ses travaux. Elle aborde ces jours-ci la question des principes fondamentaux. Depuis quelques jours les députés tunisiens discutent et s’opposent à propos de la façon dont la Constitution à venir abordera la question de la religion (l’islam) et celle des sources juridiques musulmanes (la Shari’a). Pour rappel, l’article 1 de la précédente constitution indiquait que : “La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain ; sa religion est l’islam, sa langue l’arabe et son régime la République”. La formule était assez vague pour permettre diverses interprétations, d’une simple référence à une culture religieuse à une forme plus stricte d’État musulman.

May27 in Tahrir مايو ٢٧ في التحرير by Maggie Osama

Dans les débats actuels, je vois quatre pôles qui s’opposent sur la question. Je tente de mettre des partis politiques en face de ces pôles mais j’insiste sur la dilution des votes des députés en fonctions de leurs préférences personnelles. Sur un thème aussi controversé, la discipline partisane n’aura pas autant de force que sur d’autres questions :

  • un pôle islamiste, qui prône l’islam comme religion d’État et la Shari’a comme source du droit (certains acceptent l’expression “source essentielle du droit”). Pour cela, il est nécessaire de mettre en place un Conseil de Oulémas (savants) pour trancher les futures questions juridiques. Cela entraînerait une opposition constitutionnelle entre un pouvoir exécutif “politique” et un pouvoir judiciaire “religieux”. Pendant des siècles cette opposition a existé et c’est souvent le politique qui a gagné… (c’est essentiellement les positions d’Ennhadha, mais également de certains membres de la Pétition populaire)
  • un pôle conservateur (PDP, Afek Tounes, CPR), qui prône la référence à l’islam (mais également à l’arabité de la Tunisie) et qui n’est pas encore très clair sur la question du droit musulman. Là encore, cette absence de clarification est également jeu politique, de façon à ne pas s’aliéner tout de suite des alliés potentiels.
  • un pôle moderniste (essentiellement le Pôle démocratique), qui prône lui aussi une référence légère à l’islam et à l’arabité, mais préférant mettre en avant des valeurs universelles telles que la liberté de culte, de circulation, ou l’affirmation de droits sociaux et économiques (travail, logement, reconnaissance etc.).
  • Enfin, le pôle laïc (Ettakatol et le PCOT), qui prône une séparation du politique et du religieux. Il m’apparait aujourd’hui assez peu influent dans les débats constitutionnels.

Si l’on donne un peu de crédit à ces quatre pôles, on s’aperçoit que la référence à l’islam dans la future constitution ne fait quasi aucun doute, tant l’ensemble des partis tunisiens font consensus sur la question. L’article 1 de l’ancienne Constitution a toutes les chances d’être conservé. Les débats seront sans doute plus houleux sur articles suivants, notamment la question du droit musulman (qui, de plus, reste à définir) et, s’il est mentionné, des systèmes juridiques imposés aux non-musulmans.

Cependant, la clef de ces discussions est clairement politique. Car ce sont les alliances et les tractations entre partis, et peut être même entre groupes de députés qui pourront trouver ententes sur des votes précis qui feront une majorité.

Pour suivre les débats au plus près je vous propose une sélection de comptes twitter de députés tunisiens :

  • Iyed Dahmani (@iyeddahmani), membre de l’assemblée nationale constituante (PDP – Parti démocrate progressiste)
  • Lobna Jeribi (@LobnaJeribi), mère de famille, docteur en systèmes d’information, jeune entrepreneur et membre de la #tnac.
  • Karima Souid (@KarimaSouid) députée à l’Assemblée nationale constituante (Ettakatol France Sud)
  • Nadia chaabane (@nadiachaabane), élue à l’Assemblée constituante (Liste Pôle démocratique moderniste France Nord)
  • Mehdi Ben Gharbia (@M_BenGharbia), élu à l’Assemblée nationale constituante (Parti démocrate progressiste – PDP)
  • Zied Ladhari (@ZiedLadhari), député à l’Assemblée nationale constituante, Tunisie. Membre de la Commission OPP.
  • Mabrouka Mbarek (@mabmbarek), Constituent Assembly Representative – TUNISIA (America and the rest of Europe), Transparency, OpenGov, Tunisia, Yemen

Ces comptes sont ceux que je suis. Il y a d’autres députés tunisiens qui twittent et que Amira Yahyaoui (@Mira404 , à suivre !) a regroupé dans une liste : http://twitter.com/Mira404/%C3%89lus-tnac/members (voir également cet article, moins complet, sur le site Tekiano : les politiques et twitter)

L’assemblée a aussi un site internet et a proposé la diffusion de certaines séances en direct : http://www.anc.tn/site/main/AR/index.jsp

Pour aller plus loin dans d’autres pays :

Temps de rédaction du billet : 5h
  1. Source : http://www.cabinet.gov.eg/AboutEgypt/ConstitutionalDeclaration_e.pdf. Une version en langue arabe de la Constitution provisoire est disponible http://www.almasryalyoum.com/node/380474

Loïc Le Pape

Chercheur contractuel en anthropologie et science politique à l'Idemec (Univeristé d'Aix-Marseille - CNRS) et associé à l'IREMAM (Université d'Aix-Marseille - CNRS).

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